lundi 12 février 2018

Cinq mariages et combien d'enterrements ?

Au chapitre des curiosités, je vous présente Mathurin Pinier. Il s'agit du frère aîné de l'un de mes ancêtres côté paternel, à la dixième génération.

L'histoire commence à Thouarcé, sur les rives du Layon, au sud de la Loire, le 31 décembre 1669. Ce jour-là, le petit Mathurin, qui vient de voir le jour treize mois après le mariage de ses parents, est porté sur les fonts baptismaux par son grand-père, Laurent Pinier. L'officiant porte le joli nom de René Loyselleur.

Pour une raison qui m'échappe et à une date que j'ignore, la famille Pinier a quitté la paroisse de Thouarcé pour s'installer à une dizaine de lieues de là, de l'autre côté de la Loire, à Saint-Clément-de-la-Place. C'est donc à Saint-Clément que Mathurin Pinier épouse Marie Ravary le 24 novembre 1692, alors qu'il n'a pas encore vingt-trois ans.

Deux enfants naissent de ce premier mariage, Simon en novembre 1694 et Marie en avril 1696. Leur mère n'a guère le temps de les élever : elle est portée en terre le 6 juin suivant, à vingt-quatre ans.

Carte établie sous la direction de César-François Cassini de Thury
Extrait de la feuille n°98, Source Gallica

Mathurin Pinier, qui est maintenant métayer à la Chiffolière, attend le 28 novembre 1697 pour prendre une nouvelle épouse, Marie Brevet, originaire de la paroisse voisine de Bescon (aujourd'hui Bécon-les-Granits). Celle-ci met au monde un garçon en octobre suivant, puis une fille onze mois plus tard ; "baptisée à la maison et décédée en même temps", elle n'a pas reçu de prénom. L'accouchement a dû être plus que difficile, car la mère rend son dernier souffle quatre jours après ! Elle devait avoir vingt-sept ans.

Mathurin Pinier n'a pas trente ans et il est déjà deux fois veuf. Le 23 septembre 1700, il épouse en troisièmes noces Michèle Poyrier. Ils se connaissent bien : Michèle Poyrier est servante à la Chiffolière et, le 18 janvier précédent, ils étaient tous deux parrain et marraine d'un neveu de Mathurin. Ce qui nécessita une dispense de l'évêque d'Angers pour le mariage, mais parvint-elle à temps ou fut-elle égarée ? la date du précieux document est laissée en blanc dans le registre…

Vingt-huit semaines plus tard, un enfant pointe le bout de son nez. "Baptisé à la maison et décédé une demie heure après", il n'a pas eu le temps de recevoir un prénom ; tout juste sait-on qu'il s'agissait d'un garçon. La mère le rejoint dans les quinze jours qui suivent. Selon le curé, elle avait vingt-trois ans. Le troisième mariage de Mathurin Pinier n'a pas duré sept mois !

Il attend un peu plus d'un an pour épouser, en septembre 1701, une certaine Marie Fourrier. Laquelle, très classiquement, met au monde un garçon en octobre 1702 et devinez quoi ? elle décède quatre jours après. Elle avait à peu près trente-cinq ans. Cette fois-ci, le mariage a duré treize mois.

Enfin, le 6 juillet 1703, Mathurin Pinier épouse Jeanne Lefrançois. Est-elle de constitution plus robuste que les précédentes ? elle va donner le jour à cinq enfants de mai 1704 à juillet 1712. Mais Mathurin ne connaîtra jamais la petite Jacquine, car c'est lui qui a été porté en terre en mars 1712, quatre mois auparavant ! Il avait quarante-deux ans.

Cinq mariages entre 1692 et 1703, onze rejetons entre 1694 et 1712, mais combien sont parvenus jusqu'à l'âge adulte ?

Je n'ai pas pu reconstituer le parcours de chacun, mais six d'entre eux sont décédés avant d'avoir le temps de fonder une famille. Je ne donne pas cher non plus du petit Simon, le premier de la liste, baptisé le 20 novembre 1694 après avoir été "ondoyé par nécessité" la veille. J'ignore le sort de Laurent, né en octobre 1698. Trois enfants de Mathurin Pinier se sont mariés de façon certaine : Marie à deux reprises, Jeanne et Mathurin, chacun une fois.

L'histoire des cinq mariages de Mathurin Pinier se déroula sous le règne de Louis XIV, dans une paroisse que Célestin Port(1) décrivait ainsi :

"Sise dans un terrain bas, humide, de terres fortes et rudes vers le nord, parsemées vers le sud dans les meilleurs champs de gros blocs erratiques où se brisait la charrue, elle se divisait en nombreuses mais chétives métairies et comptait cinquante pauvres ménages pour le moins. Le passage des faux saulniers et des gabelous exposait d'ailleurs à toutes les misères."

Bref, la vie était rude pour nos ancêtres en ce temps-là…



(1) Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, publié à Angers en 1880, consultable en ligne sur le site des Archives départementales du Maine-et-Loire

1 commentaire:

  1. Que les temps étaient durs en effet... Merci pour cet article, je dois avouer que c'est une sacré curiosité autant de mariages (et je n'ai pas osé compter les enterrements !).

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